XVII°, XVIII° siècles. Au fond de leurs barracones les esclaves noirs tentent de perpétuer leurs chants rituels qui malgré l'arrivée permanente de nouveaux esclaves prennent une forme spécifiquement cubaine. Lorsqu’on leur supprime les tambours c’est sur le bord d'un meuble, sur des caisses vides ou des emballages de bougies qu’ils frappent les rythmes accompagnant les chants. Mais dans les mêmes endroits en dehors des moments sacrés les mêmes mains frappent sur les mêmes caisses pour occuper quelques instants libres dans des journées épuisantes. D'autres esclaves esquissent quelques pas d'une danse improvisée. Naît alors un rare moment de plaisir qui peut parfois s'accompagner d'une grande sensualité et que l'on tente de retrouver dans une autre occasion. |
Dans les barracones des plantations proches, dans ceux de la ville voisine ou de l'autre bout de l'île rien n'est différent même en l'absence de communication entre esclaves. De nouveaux rythmes se fixent et parfois les pas de danse se stabilisent et prennent un nouveau nom. |
L'habitude se prend en l'attente d'un hypothétique travail ou lors d'un moment de repos d'organiser une rumba. Les rythmes et les danses s'enrichissent dans des processus de transculturation résultant des rapprochements entre ethnies africaines. On vole aussi ou on singe quelques éléments utilisés par les blancs espagnols lorsqu'ils chantent, dansent ou se mêlent aux rumbas des solaresProgressivement les percussionnistes apportent des améliorations aux instruments. On démonte les caisses de bois, on les reconstruits pour en faire les cajones qui sonnent mieux. |
Les trois principales modalités de la Rumba. Grupo Afro Cubano de Alberto Zayas 1955-56. |
Matanzas, Cárdenas et La Havane sont les deux creusets de la rumba mais des Coros apparaissent aussi à Sancti Spíritus, « La YAYA »,... à Trinidad, Pinar del Río. A Matanzas les Coros les plus réputés ont été « El BANDO ROSADO », « El BANDO VERDE », « El LIRO BLANCO », le mémorable « El FLAMBOYÁN » et le fameux « BANDO AZUL » formé en 1910. |
Déjà à la fin du XIX° et au début du XX° siècle des chanteurs, danseurs, percussionnistes se détachent, entrent dans la légende de la rumba et deviennent des mythes qu'il est aujourd'hui impossible de confronter à des enregistrements car ni la bourgeoisie cubaine ni les compagnies discographiques américaines ne se sont hasardées jusqu'aux bas quartiers de La Havane et moins encore à Matanzas où l'on vénère aujourd'hui encore José Rosario OVIEDO dit « Malanga » et le célèbre « Papa » MONTERO, Estanislá LUNA « La Rumbera Mayor », chanteuse, danseuse et fondatrice du « BANDO AZUL » que « Malanga » a voulu connaître et inviter à danser, « Cubela » contemporain de « Malanga » supposé créateur de la Columbia dans son village de Sabanilla... . L'une des toutes premières figures de la rumba habanera de la première décennie est incontestablement Ignacio PIÑEIRO qui en 1906 fonde le Coro « TIMBRE de ORO » puis dirige le célèbre coro « Los RONCOS ». Au cours des années vingt PIÑEIRO fait sortir la rumba des solares pour la faire jouer par les sextetos soneros. |
« Mulence », « Chenche », « Roncona », Andrea BARÓ, sont d'autres figures légendaires de la rumba des solares de la capitale ou de Matanzas.. |
Nieves Fresneda. |
Pendant les années vingt et trente, les Coros tendent, sinon à disparaître, du moins à se transformer et se mettent en place des ensembles qu'on peut appeler des groupes de Guaguancó qui, sans être professionnels, sont des formations assurant une prestation de qualité. On les retrouve de solares en solares car pour ce genre, estimé vulgaire, primaire, sauvage, les lieux publics, cafés et cabarets sont proscrits… Les individualités vont défier dans d’autres quartiers que le leur d’autres rumberos. Ces « envahisseurs » déclenchent souvent tensions, agressivité, bagarres. Et peut-être que le célèbre rumbero « Malanga » a laissé la vie dans une de ces rumbas dans laquelle il s’était immiscer loin de chez lui…Parmi les plus célèbres figurent "Manano" , Agustín « Flor de Amor » PINA, un des meilleurs décimistes, également membre des « DICHOSOS »; Benito "Roncona" GONZÁLEZ qui chante, danse et joue des percussions, qualité définissant le Rumbero mayor . Peu à peu ces rumberos, formés au contact des anciens dans les solares parviennent à sortir de leurs quartiers et parfois comme "Roncona" à jouer sur les ondes. |
Les percussions utilisées ont évolué. Et les cajones laissent progressivement la place à des tumbadoras ou congas. Les claves remplacent définitivement les petites percussions souvent employées jusqu'ici. |
Parallèlement au développement de la rumba noire et populaire, dans les cabarets et cafés chantent des trovadores qui vivent mal et sont rejetés dès leurs prestations terminées vers les bas-quartiers où ils fréquentent ceux qui s'épuisent dans des rumbas frénétiques. |
Parmi les premiers rumberos qui sortent de leurs solares et commencent à être reconnus et engagés par d'autres formations figure, dès les années vingt, Agustín GUTIÉRREZ, brillant percussionniste et excellent danseur issu du Coro « PASO FRANCO ». |
La pénétration dans les shows des cabarets d’une rumba exotico-érotique, dansée par des danseuses blanches, dénudées et sans connaissance aucune des racines du genre ne favorise pas la situation de la Rumba qui règne dans le solar et met pourtant en évidence des individualités exceptionnelles. |
Des congueros comme Francisco AGUABELLA, "Mongo" SANTAMARÍA, Candido
CAMERO, Armando PERAZA, Carlos "Patato" VALDÉS..; vont de la même façon que « Chano » sortir de leur barrio et débuter une carrière dans les grands orchestres ou conjuntos puis profiter du Jazz Afro-Cubain en plein développement à New York pour gagner les Etats Unis et y triompher devant leurs tumbadoras.
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Dans la zone portuaire de la capitale naît à la même époque le « GRUPO MARITIMO PORTUARIO zona 29 » animé par Calixto CALLAVA qui devient ensuite le « YORUBA ANDABO » professionnalisé au début des années quatre-vingt et qui sous l'impulsion de Pancho QUINTO apporte -tout en restant dans la pure tradition rumbera- du sang neuf à la clave en marquant avec plus de vigueur sur le cuir des tumbadoras ou le bois des cajones, les premier et troisième coups de la clave. Si « Los TERCIOS MODERNOS » disparaissent en 1961, la Révolution permet l'émergence et la professionnalisation de groupes issus des barrios comme « Los PRINCIPALES ».
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Et derrière les figures mythiques surgissent Alberto MAZA et son groupe « LULÚ YONKORI » célèbre pour l’interprétation de « El vive bien » |
Dans la période post-révolutionnaire, la création du « CONJUNTO FOLKLÓRICO NACIONAL » autour d'authentiques rumberos : Gregorio « Goyo » HERNÁNDEZ, Mario « Aspirina » JAUREGUI, Juan de Dios « El Colo » RAMOS, Gerardo et Justo PELLADO, Manuela ALONSO, Orlando « El Bailarín » LÓPEZ - le fils de Manuela ALONSO-, Agustín GUTIÉRREZ, Zenaida ARMENTEROS, Felipe ALFONSO, a permis de préserver l'authenticité d'une rumba menacée parfois par son propre succès comme spectacle. |
© Patrick Dalmace/Patrice Banchereau
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