....MUSIQUE ET REVOLUTION...

Montage de photographies de Raúl Corrales.

Dans la nuit du 31 décembre 1958, la fête bat son plein dans les cabarets, cafés, casinos de La Havane. Au même instant les barbudos et leurs troupes pénètrent dans la capitale. La lutte armée des révolutionnaires touche à son terme. L'espace d'une semaine la vie s'arrête, c'est la grève générale avec ses conséquences. Les classes laborieuses s'en prennent aux symboles de la bourgeoisie et du pouvoir. On détruit quelques Casinos au Sevilla, au Plaza, au Saint John's… Le dictateur Batista s'enfuit. La Révolution politique commence.

La Havane. Janvier 1959. Destruction des Casinos.

. Hotel Plaza

Hotel Sevilla Biltmore


Pour les vedettes de la musique cubaine la vie devient plus difficile. L'heure de l'exil commence : les musiciens de la "SONORA MATANCERA" avec Celia CRUZ , José FAJARDO, Olga GUILLOT, Belisario LÓPEZ, Germán LEBATARD, Rolando LASERIE, "Bobby" COLLAZO, Julio GUTIÉRREZ sont parmi les premiers à partir bientôt suivis par d'autres noms, Servando DÍAZ, Orlando GUERRA, Bienvenido GRANDA, "Bebo" VALDÉS
Mais le vivier cubain est riche et de nouveaux noms apparaissent aux côtés de ceux qui restent dans l'île, principalement les valeurs sures de la Canción et du Feeling, dont les idéaux sont proches des conceptions des révolutionnaires et qui peuvent plus facilement s'exprimer au début de la décennie.
Parmi les nouveaux noms figurent ceux qui vont, aux côtés de Pablo MILANÉS, constituer dans la seconde moitié de la décennie, le mouvement de la Nueva Trova, Silvio RODRÍGUEZ, Amaury PÉREZ

Mais on constate chez les jeunes Cubains, à partir de la disparition de "Benny", un très net désintérêt pour les formes traditionnelles de la musique cubaine qui vont alors perdre vigueur et évoluer sur le sol de l'ennemi déclaré.

Ces années soixante sont aussi marquées par des données et des comportements contradictoires.
La fermeture des frontières avec les Etats Unis au début de 1961 et l'affaire de la Baie des Cochons quatre mois plus tard conduisent à assimiler tout ce qui touche au géant du nord à un véritable poison. Les artistes cubains qui s'y sont installés -même longtemps avant la Révolution- ont leur nom et leur musique bannis. La musique -même le Jazz produit par les noirs- est considérée par certains fonctionnaire comme impérialiste.
Pourtant par l'intermédiaire des radios de Floride mais aussi via l'Europe et les Pays de l'Est le Rock, le Twist, a Bossa Nova, l es Beatles, le Jazz sont largement écoutés par les jeunes générations.
Et l'intérêt du public se tourne vers ces rythmes venus de l'extérieur.


La Banda de Nuevo Ritmo, 1962.
Photographie Raúl Corrales.


Les groupes cubains de Rock nés dès la fin des années cinquante, bien qu'en général non-professionnels, sont relativement nombreux et se font entendre, "HOT ROCKERS", "Los JAGUARS", "Los VAMPIROS", "Los REYES", "5U4", "Los BARBA", "ALMA VERTIGINOSA"…
Le groupe de Felipe DULZAIDES joue du Rock, rythme qui constitue également une partie du répertoire des "BUCANEROS".

Les cuartetos harmoniques empruntent une voie tracée par "The Platters" particulièrement nette chez "Los ZAFIROS" ainsi que dans des formations telles que "Los BUCANEROS", le " Cuarteto Meme SOLÍS", le duo "VOCES LATINAS".
D'abord imperceptiblement puis de manière plus ferme, le Jazz se développe.


Venus d'Europe de l'Est, les instruments électriques et principalement la guitare et la basse font leur apparition dans la musique populaire.
La charanga de Elio REVÉ venue de Guantánamo est une des premières à introduire une basse électrique. Les claviers vont eux-aussi être utilisés de plus en plus fréquemment. Les jazzmen en seront les plus friands.

Alors que la situation est compliquée pour les vedettes cubaines, la Révolution apporte pourtant aux autres acteurs de la musique populaire cubaine et aux musiciens de province une nette amélioration des conditions de travail et une meilleure reconnaissance.
La fonctionnarisation offerte par l'Etat leur permet désormais d'avoir un salaire et de vivre de la musique. Jouer n'est pas forcément fréquent mais les musiciens ont du temps pour se consacrer à leur instrument, à la création, à l'échange. Ils n'ont pas de pression commerciale et moins de préoccupation alimentaire.
Ceci va à moyen terme favoriser l'enrichissement de la musique populaire avec d'autant plus de vigueur que l'Etat prend plusieurs autres mesures importantes. Un effort unique en son genre est fait pour l'enseignement musical à tous les niveaux et se développent des Conservatoires de très bonne qualité d'où sortent de solides musiciens capables d'évoluer dans les répertoires classique, populaire et même jazzistique. Dès le milieu des années soixante-dix la musique cubaine va en récolter les fruits.
Un gros travail est fait, notamment dans les provinces, pour que soient préservées les traditions musicales.

La première manifestation de ces efforts aboutit à la création du "CONJUNTO FOLKLÓRICO NACIONAL" qui va travailler à la préservations de toutes les traditions musicales et de danses présentes dans l'île.
D'autre part, sur le modèle de ce qui s'est fait en 1966 à Santiago de Cuba on crée dans de nombreuses villes la Casa de la Trova où peuvent se retrouver et s'exprimer mieux que dans les rues les cantantes, trovadores mais aussi les soneros.

Santiago de Cuba. La Casa de la Trova.

Photographie: Olivier Betout, extraite de "Cuba et la Musique cubaine" Ed. du Chêne, Paris 1999.

Enfin on essaie de sauver des répertoires populaires en aidant la formation de groupes destinés à leur interprétation. Un exemple particulièrement réussi à Santiago est le "CUARTETO ORIENTE " dirigé par l'un des plus anciens trovadores, Daniel CASTILLO. Le Changüi de Guantánamo survivra en partie grâce à ces groupes.
Des Festivals, destinés eux-aussi à revaloriser les musiques populaires, fleurissent dans les régions. Festival de Música Cubana à La Havane en 1963, Festival de la Trova à Santiago de Cuba en 1964, Festival de la Canción Internacional à Varadero en 1965, Forum de la Trova Cubana en 1966, Festival de la Canción Protesta en 1967, Festival Nacional Campesino de Manicaragua en 1971. Le Festival des Aficionados a lieu dans toutes les provinces depuis 1964 avec une rencontre finale à La Havane. D'une manière générale ces événements ne sont pas sans lendemain et certains sont toujours vivants ou ont eu des successeurs.
Ces événements, ces évolutions, ces contradictions vont donner une personnalité nouvelle à la musique populaire cubaine des années soixante et soixante-dix ...
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© Patrick Dalmace

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