DULZAIDES, Felipe (La Havane 1917-1991)

Felipe baigne dès ses jeunes années dans une ambiance musicale incluant le Jazz nord-américain de l'époque. Son père, fan de Paul Whiteman, possède une belle collection de disques. Autodidacte, c'est l'écoute de Art Tatum qui scelle définitivement son destin de pianiste de Jazz.
Toutefois, comme la plupart des musiciens, Felipe DULZAIDES doit avant tout gagner sa vie. Il devient représentant en produits pharmaceutiques et se contente de jouer chez lui, à Matanzas, pour la famille et les amis, parmi lesquels Frank DOMÍNGUEZ. Un voyage aux Etats Unis lui permet de connaître George Shearing qui influence de manière indélébile son style.

Alors qu'il fait des remplacements dans l'orchestre du club Topeka, le tresero Ñico ROJAS lui fait connaître les frères LLÓPIS et naît, en 1949, dans la capitale, le "CUARTETO LLÓPIS -DULZAIDES" dans lequel Felipe joue aussi de l'accordéon.


Felipe, accordéon, avec le cuarteto Llopis Dulzaides.
Photographie Collection Dulzaides.

La formation fait une tournée aux Etats Unis et en Amérique Latine se présentant notamment au cabaret Coney Island de Caracas en 195. La formation joue aussi au salon Naiguata de l'hôtel Tamanaco de Caracas à la fin de 1955 mais le cuarteto s'oriente vers un proto-rock qui rapidement ne convient plus à Felipe. Celui-ci le quitte malgré les succès obtenus sur les ondes.

On retrouve Felipe au Tropicana dans la formation de Armando ROMEU, avant qu'il ne fonde avec le guitariste Pablo CANO "Los ARMÓNICOS" en 1956. Le groupe est un cuarteto à la fois vocal et instrumental composé du piano de Felipe, de la guitare électrique de Pablo, d'une contrebasse tenue par José FRANCA, d'une batterie confiée à Nelson PADRÓN et parfois une trompette. Le frère de Felipe, Javier est le chanteur du groupe lorsque celui-ci fait ses débuts mais la plupart des instrumentistes se transforment fréquemment en chanteurs. La formation est très inspirée par le feeling. Elle enregistre dès cette année des succès internationaux, "Delirio", "Lullaby of Broadway", "Rock Around the Clock"…
Après le départ de Javier pour les Etats Unis -Il enregistre à New York en 1957- Felipe fait appel à diverses chanteuses pour son cuarteto. Avec Doris de la TORRE ils enregistrent « Intimo con los Armónicos » avec outre Pablo et Felipe, Guillermo BARRETO à la batterie ainsi qu’au vibraphone ;  Julio Cesar FONSECA à la contrebasse ;  Luis ORTELLANO à la trompette.  "Bilongo", "Luna rosa" sont notamment au répertoire mais aussi "When your lover has gone". On l'entend aussi au Tropicana en 1957.

Doris de la Torre, Ortellano, Cano y Felipe Dulzaides.

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<<<< "Bilongo" Doris de la Torre avec Los Armonicos de Felipe Dulzaides.

Détenteur de peu de connaissances théoriques mais doté d'une formidable oreille, Felipe DULZAIDES réalise lui-même les orchestrations et arrangements pour son groupe. La chanteuse Doris de la TORRE devient aussi la vibraphoniste de "Los ARMÓNICOS" que DULZAIDES engage dans la voie suivie par George Sharing, Cal Tjader… recherchant l'unisson piano-guitare-vibraphone. Le répertoire est nettement marqué par la musique nord américaine : "Body and Soul", "Moonlight serenade", "Blue Moon"…
Au début de 1959 DULZAIDES est au Bar du Casino du Tropicana d'une part avec "Los ARMÓNICOS" mais aussi avec un groupe de violons composé de Julio FARACH, Francisco CAO, Manuel GODINEZ et Eugenio CADAVAL.


Los Armonicos avec Margarita Royero Cabaret Parisien 1960
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Pus tard dans l'année "Los ARMÓNICOS"  se présentent au Bar Seven Eleventh du Habana Hilton avec la voix de Iselia ACOSTA, Raul ACOSTA et Alberto PUJOL.

L'année suivante la formation est au Bar Starlight de l'Hôtel Nacional et la voix féminine est confiée à Margarita ROYERO qui est entourée de CANO, FRANCA, DULZAIDES et Nelson PADRÓN à la batterie. Tous les cinq enregistrent "Una Noche con Felipe Dulzaides" où l'on retrouvent parmi les titres "Si alguién", "Hey Boy!, Hey Girl!", "Cuando vuelva tu lado"...

 

Parallèlement Felipe développe le projet avec violons et cuivres qu’il conduit dans les studios de Radio Progreso en 1960. L’enregistrement propose des classiques, le « My Rêverie » de Debussy,  la « Danza negra », « Tenderly », « Cerezo rosa », « As time goes by »… Il récidive quelques mois plus tard avec l’enregistrement de « Invitación. Felipe Dulzaides y su Violines en Tropicana » avec quatre violons, Pablo, Doris, Guillermo et la basse de Antonio RAYMAT.


Enregistrement de  Invitación. Felipe Dulzaides y su Violines en Tropicana.

Doris -la même année- laisse aussi sur le vinyle plusieurs thèmes - entre autres "C'est si bon", "La vie en rose"…-
DULZAIDES retrouve les frères LLÓPIS à la même affiche que ses "ARMÓNICOS" au Comodoro. Dans ce même hôtel Felipe alterne un peu plus tard avec le pianiste américain Matt Dennis puis au Salon Starlight de l'Hôtel Nacional avec le batteur Philly Joe Jones invité du Club Cubano de Jazz.

Le groupe est aussi appelé pour épauler les enregistrements de solistes comme c'est le cas pour Fernando ÁLVAREZ.
En 1961 c'est au Cabaret Parisien que Felipe accueille son public. "Los ARMÓNICOS" sont désormais intégrés par Rembert EGÜES, vibraphone; Ahmed BARROSO, guitare; Pepe "El Loco" YANES puis Tony VALDÉS, batterie; Carlos del PUERTO, basse et José Luis QUINTANA, tumbadora qui reçoit son surnom "Changuito" de DULZAIDES lui-même. L'apparition d'un percussionniste dans le groupe est une nouvelle fois une conséquence des idées de Shearing qui lui-même avait dans sa formation le conguero Armando PERAZA. Ce même groupe offre un disque totalement instrumental comportant parmi les titres la "Rosa Mustia" de Ángel DÍAZ.

Los Armónicos: del Puerto, Barroso, Valdés, Dulzaides, Changuito et Egües. 1965. Collection: Famille Dulzaides.

La Red , le Capri présentent DULZAIDES et "Los ARMÓNICOS" en 1962. Le guitariste Rey MONTESINOS devient membre du groupe qui joue sans Felipe compromis dans une sombre histoire et que remplace Pepe HERRERA. Avec eux se trouvent FRANCA et le batteur José LLANES. Ils accompagnent les shows avec Miguel de GONZALO ou Margarita ROYERO à La Red. Au retour de DULZAIDES, celui-ci restructure sa formation et commence à travailler au Salon Elegante du Riviera. Le guitariste Sergio VITIER s'incorpore au quinteto qui termine l'année 1963 dans les salons du Riviera et récidive les trois années suivantes se présentant également au Capri en 1964 mais d'une manière générale "Los ARMÓNICOS" jouent pratiquement dans tous les centres nocturnes de la capitale. La formation fait partie de la multitude de vedettes et groupes qui interviennent au Pabellón Cuba sur la Rampa lors du Festival de Teatro Latinoamericano en 1966. Carlos del PUERTO, "Changuito" et Rembert EGÜES quittent DULZAIDES pour organiser "SONORAMA 6" en 1966.


En 1967 "Los ARMÓNICOS" sont à la Kasbah. DULZAIDES joue au Kawama l'année suivante.




A la fin des années soixante lorsqu'il est à l'affiche du Palermo le groupe compte de nouveau sur "Changuito" parmi ses membres. Bobby CARCASSÉS chante également avec "Los ARMÓNICOS" durant cette période.
Felipe s'installe ensuite dans les lieux touristiques de Varadero où il reste huit ans, s'illustrant au Red Coach et à l'Oasis. Le vibraphoniste Armandito ROMEU est membre de sa formation. Il voyage aussi à l'étranger. Aux Etats Unis, dès qu'il s'installe au piano d'un bar ou hôtel, il est immédiatement engagé pour animer les soirées.

ROMEU: Si, es mi instrumento. Pero teníamos una rutina en el tema de El Hombre del Brazo de Oro en el que Tony Valdés y yo alternábamos en solos de batería, junto con Changuito en las congas en un show de percusión que gustaba mucho.

 

En 1979 Felipe DULZAIDES est de retour au Salón Elegante de l'Hotel Riviera à La Havane. Il fait de nouveau de fortes incursions dans le monde du Rock et notamment dans le répertoire des "Beatles" et possède un immense répertoire de standards de jazz. Autour de lui il réunit le bassiste Luis QUIÑONES, Humberto LORENZO, drum ; Pupy ZABALETA, percussions ainsi que le saxophoniste Manuel VALERA . En 1981 il réorganise son cuarteto avec Luis TOLEDO auquel succède le guitariste Jorge Luis "Chicoy" mais reçoit tous ceux qui veulent le rejoindre; le plus souvent le saxophoniste matancero Rolando PÉREZ PÉREZ ou Javier ZALBA et souvent aussi les trompettistes Jorge VARONA, Arturo SANDOVAL….

Felipe et ses invités au Riviera. Quiñones, "Willy", Pquito d'Rivera, Armandito Romeu. . Photographie Collection Dulzaides.

Le groupe joue tous les jours et, au gré de Felipe, les thèmes sont puisés dans un répertoire de centaines de titres, durant trois ou quatre sets. La formation est particulièrement appréciée tant par la jeunesse cubaine de la période post révolutionnaire que par les amateurs de jazz et de standards. A l’occasion du Festival de Varadero de cette même année  il enregistre avec ses musiciens. Lorsque naît le Festival Jazz Plaza de La Havane en 1980, Felipe DULZAIDES en est un des premiers et plus fervents supporters. Il s'investit dans son organisation et y participe avec son groupe. A de nombreuses reprises et notamment en 1985 le Festival lui rend hommage.

En 1983 Felipe subit une attaque cérébrale qui le prive de l'usage de sa main gauche. Il se retire de la scène. Au Salón Elegante du Riviera sa formation joue désormais en trio puis laisse place au cuarteto de Alexis BOSCH mais sa table lui est réservée et ponctuellement il vient jouer d'une seule main. Il apparaît aussi dans des descargas et c'est lors de l'une de celle-ci, au Riviera en 1991 que Felipe DULZAIDES subit une seconde attaque dont il ne se remet pas. Felipe DULZAIDES, à travers l'accueil d'une multitude dd'invités a contribué largement à la formation de toute une génération de musiciens cubains parmi lesquels outre les noms déjà cités Kiki VILATA, guitare; Armando ZEQUEIRA, Roberto CASAS contrebasse; Joe IGLESIAS, Ignacio BERROA, Dani PÉREZ, batterie; les jeunes étudiants s'invitant pour les "descargas" comme Paquito d'RIVERA, Enrique PLÁ , Ernán LÓPEZ NUSSA... et ceux qui ont enregistré avec lui tels que Jorge VARONA ou les saxophonistes Javier ZALBA, Rolando PÉREZ, Manuel VALERA, le clarinettiste et vocaliste Lucas de la GUARDIA

© Patrick Dalmace

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