Dès ses premiers moments d'existence la Révolution et ses dirigeants sont bien acceptés par les chanteurs du Feeling et réciproquement. Il faut rappeler que c'est par la Mil Diez, la radio socialiste que le mouvement a pu se diffuser à la fin des années cinquante et que la plupart des acteurs du Filín sont acquis aux idées révolutionnaires.

La fin de la première moitié des années soixante - à la suite de « Mis veintidos años » composée par Pablo MILANÉS - voit naître une modification dans les textes et l'interprétation du Feeling et l'émergence de nouveaux compositeurs et de nouvelles voix, fortement influencés par la Révolution et par la situation politique internationale, la guerre au Viet-Nam, l'arrivée de la gauche au pouvoir au Chili, les mouvements sociaux américains...

La chanson engagée, la Canción protesta, Joan Baez , Bob Dylan, Victor Jara, Violeta Parra, Daniel Viglietti, Joan Manuel Serrat, Raimón ... ont une forte influence sur ces nouveaux venus. Ils ont aussi une large audience dans le public cubain.

Pablo MILANÉS, Silvio RODRÍGUEZ, Noel NICOLA , Vicente FELIÚ, Martín ROJAS, commencent à composer des thèmes inspirés de préoccupations similaires à celles de ces interprètes. MILANÉS écrit et chante «Yo pisaré las calles nuevamente », hymne aux martyres morts lors de l'assaut de la caserne de Moncada ; Silvio , «Fusil contra fusil » ; Vicente compose « A los que luchan toda una vida »...


Vicente Feliú et Noel Nicola. Les premières années de la Nueva Trova.


Le nouveau régime cubain ne peut que voir avec bonheur la naissance de ce courant. Au milieu de 1967 est organisé le 1° Encuentro Internacional de la Canción Protesta auquel participent des auteurs-interprètes de tous les continents et qui clôt ses travaux par une résolution proclamant que la chanson est une arme au service du peuple. Au début de l'année suivante un gala présente officiellement le Centro de la Canción Protesta. Dès ce moment des programmes radiophoniques et des émissions télévisées  - Mientras tanto - propagent les thèmes et la voix des nouveaux trovadores .

Pour aider et enrichir musicalement leurs compositions, l'Institut Cubain du Cinéma met à leur disposition le «GRUPO de EXPERIMENTACIÓN SONORA» crée en 1969 et composé de musiciens acquis aux idées révolutionnaires. Les dernières années de la décade et le début des années soixante-dix sont marqués par une grande effervescence et une volonté de structuration et d'organisation chez tous ces jeunes -et moins jeunes- trovadores . En 1972 puis en 1973 se déroulent à Manzanillo des rencontres de jeunes trovadores qui débouchent sur la création du Mouvement de la Nueva Trova .


Noel, Pablo, Silvio, 1971.

De l'ensemble du pays émergent de nouveaux talents individuels, de nouveaux groupes, s'inscrivant dans la démarche socialement engagée de la Nueva Trova .
A La Havane, Marta VALDÉS, Amaury PÉREZ , «Para cuando me vaya  », la jeune Sara GONZÁLEZ « Girón : la victoria », s'inscrivent déjà depuis quelques années dans le mouvement. Plusieurs interprètes du Filín , Omara PORTUONDO, César PORTILLO de la LUZ… chantent les nouveaux thèmes. Des groupes se forment également dont les plus importants sont «MANGUARÉ», « MONCADA », «MAYOHUACÁN », le groupe vocal « TEMA IV » . Beaucoup incorporent à leurs débuts des instruments originaires des Andes sous l'influence de formations telles que « Quilapayún », « Inti-Ilimani »..


Marta Valdés.


Augusto Blanca.

A Santiago de Cuba, Augusto BLANCA ,  Freddy «Chispa » LABORÍ , ainsi que les groupes « MURALLA » , « GRANMA », « CONVERGENCIA »… sont sur le devant de la scène.

A Camaguey, Miguel ESCALONA , Rafael de la TORRE , Heriberto REINOSO , Luis LIMA... , à Cienfuegos, Lázaro GARCÍA …se distinguent dans les festivals.

A Matanzas les groupes « ARENAS BLANCAS » , «NUEVA ERA » , « NUESTRA AMÉRICA» -un des premiers groupes formés dans la province- sont les principaux acteurs de la Nueva Trova .

Dès les années soixante-dix les acteurs du mouvement se présentent dans toute l'île. Ils sont présents dans les théâtres comme dans les centres de travail ou les universités, les Centrales sucriers et les meeting politiques.

Bien évidemment les principales figures de la Nueva Trova sont présentes dans toutes les délégations culturelles cubaines voyageant à l'étranger, notamment en Amérique latine et en Europe de l'Est.

A partir des années quatre-vingt la Nueva Trova , en temps que mouvement structuré, commence à se désagréger.

Tout en conservant l'engagement de leurs textes, les groupes reviennent vers les rythmes cubains, Son , guarachas.

Silvio, Gerardo Alfonso, Pablo et Carlos Varela. Espagne 1986.

Santiago Feliú et Donato Poveda.

Si les principaux fondateurs du Mouvement restent toujours sur le devant de la scène, une nouvelle génération, de nouveaux noms apparaissent, Santiago FELIÚ, Donato POVEDA, Xiomara LAUGART, Franck DELGADO, Gerardo ALFONSO, Pedro Luis FERRER

Influencé par la crise et les nouvelles données économique, les textes sont plus critiques, les auteurs moins présents sur les scènes politiques. Leur engagement est plus proche d'un esprit révolutionnaire en général que de la défense de ce qui se fait spécifiquement à Cuba. Carlos VARELA est le symbole de cet esprit rebelle.

Le boom de la Salsa qui, dès le début des années quatre-vingt dix, monopolise les espaces de diffusion, radio, télévision… rend plus difficile la vie des nouveaux trovadores qui pourtant gardent une grande popularité à l'étranger au moment où la chanson engagée est en perte de vitesse notamment dans les pays d'Amérique latine.

© Patrick Dalmace

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