Le "Papy Boom"de la musique cubaine.

 

Passée dans le vocabulaire de tout amateur de musique cubaine au lendemain de la diffusion du film de Wim Wenders Buena Vista Social Club, l'expression "Papy Boom Cubain" est née en 1997 lors de la tournée mondiale du "AFROCUBAN ALL STARS", tournée destinée à promouvoir le disque "A todo Cuba le Gusta" enregistré par les chanteurs et musiciens, acteurs du film, âgés pour la plupart de plus de quatre-vingts ans.
Subitement, le public -international plus que Cubain- s'est pris de folie pour ces vétérans.

En quelques semaines, Ibrahim FERRER ,COMPAY SEGUNDO , Pio LEYVA, Rubén GONZÁLEZ... de paisibles retraités ou semi-retraités deviennent de véritables stars dont le succès dépasse rapidement celui qu'ils avaient pu connaître dans leur brillante période active.
La musique qu'ils jouent, les thèmes qu'ils reprennent, sont tirés du répertoire qu'ils dominaient au cours des années quarante et cinquante, le Son traditionnel, le Bolero, la Guaracha, la Guajira… et révèlent au grand public -qui à ce moment s'intéresse davantage à la Salsa et aux prémices de la Timba- ce qu'étaient les racines de cette musique.


Afro Cuban All Stars.


La Vieja Trova Santiaguera.
Photographie Salsamania

Les premiers enregistrements du groupe "AFRO CUBAN ALL STARS", celui du "BUENA VISTA SOCIAL CLUB" marquent donc le départ de ce "Papy Boom".

Instantanément les effets commerciaux se font sentir : les principaux acteurs de ces deux disques, Compay Segundo, Rubén GONZÁLEZ, Omara PORTUONDO, Ibrahim FERRER, Cachaito LÓPEZ… se retrouvent sur les scènes internationales et enregistrent des disques personnels.

Divers labels, exploitant la situation, rappellent dans les studios les plus anciennes gloires de la musique populaire cubaine. "La VIEJA TROVA SANTIAGUERA", "Hermanas FAEZ", "Hermanas FERRÍN", et même celles du Jazz comme "Bebo" VALDÉS, Franck EMILIO.…


Mais cette vision des choses et du "Papy Boom" demeure celle, -partielle sinon partiale- du monde occidental, quelque peu imposée par les grandes compagnies musicales et les entreprises de spectacle.

En réalité, s'il est exact que Rubén n'avait plus de piano, que Ibrahim, Pio ne chantaient plus depuis longtemps; Compay Segundo, Omara PORTUONDO avaient encore une réelle activité dans l'île et "Bebo" VALDÉS, installé en Suède, n'a jamais cessé de travailler.
De tous temps les musiciens cubains ont joué, chanté, voire enregistré dans l'île jusqu'à des âges avancés y compris ceux que rappellent aujourd'hui les compagnies discographiques, et qui imperturbablement animent depuis des années les soirées et les nuits des différentes "Casa de la Trova".
En 1954, bien avant le phénomène du "Papy Boom", les vétérans du "SEPTETO NACIONAL", PIÑEIRO, VALDÉS, LEÓN, GUTIÉRREZ, HERRERA… avaient reformé le groupe et jouaient dans l'île. Rafael "Mañuno" ORTIZ, fondateur en 1927 du "SEXTETO SANTA CECILIA", en devient en 1969 le directeur. Il le reste jusqu'à l'âge de quatre-vingt deux ans.
La même année Abelardo BARROSO entre dans la "ORQUESTA SENSACIÓN" et y demeure pratiquement jusqu'à sa disparition à l'âge de soixante-dix ans réalisant plusieurs disques.
Antonio BACALLAO, après avoir été membre au début des années vingt du "SEXTETO HABANERO", souffle dans sa botija jusqu'à quatre-vingts ans au sein du "CONJUNTO TÍPICO CUBANO".
Rogelio MARTÍNEZ, membre historique de la "SONORA MATANCERA" est resté à la tête de son groupe jusqu'à son décès en 2001.



Roberto NÁPOLES.
A Santiago où les musiciens ne s'arrêtent de jouer que sur leur lit de mort, Roberto NÁPOLES, fondateur du Sexteto "La TROPICAL", de la "ESTUDIANTINA INVASORA" chanteur et contrebassiste de la "CHEPIN-CHOVÉN" est toujours esté juqu'àla veile de ses cent ans le contrebassiste de la "ESTUDIANTINA INVASORA" et a participé juque peu de temps aban sa disparition à toutes les tournées internationales. Il n'a jamais cessé de jouer.

Le "CUARTETO PATRIA" crée dans les années quarante à Santiago de Cuba a longtemps compté sur son fondateur Pancho O'COBAS "El Guayabero" qui continue de se produire sur les scènes à plus de quatre-vingt-dix ans.

Le trovador Daniel CASTILLO nonagénaire lui-aussi, compagnon de Siro RODRÍGUEZ, était toujours en l'an 2000 à la tête de son "Quinteto ORIENTE" un des animateurs des fins d'après-midi au bar de l'Hôtel Casa Granda.


Lorsque Daniel Castillo (guitare) était bien plus jeune, son "Cuarteto Oriente " était composé de musiciens d'âge respectable.


En province un groupe comme "Los FAKIRES" de Santa Clara joue sans discontinuer depuis plusieurs décennies et anime les célèbres Viernes de la Buena Suerte ainsi que les soirées du Centro Cultural de la ville.
Fondé en 1926 à Cienfuegos le Septeto "Los NARANJOS" s'est maintenu en activité, se présentant longtemps avec ses fondateurs et jouant encore aujourd'hui avec des musiciens des premières décennies.



Los Fakires


Ce qui est en réalité nouveau et qui caractérise ce phénomène du "Papy Boom" est la surexploitation commerciale, systématique, des musiciens vétérans, la création de projets ponctuels, souvent artificiels, autour d'eux et la volonté de privilégier ces "nouveautés" aux enregistrements d'époque.
On a remis ainsi sur scène le "CONJUNTO CASINO", le "SEPTETO HABANERO" ou exploité l'âge de "Los JUBILADOS"…
L'organisation du groupe "Los ORIGINALES" au début de l'année 2001 correspond à ce phénomène. Autour de "Cachao" LÓPEZ, quatre-vingt trois ans, une firme de disques de Miami a rassemblé "Pucho" ESCALANTE, quatre-vingt deux ans, "Chocolate" ARMENTEROS, et "Patato" VALDÉS soixante-quinze ans, Juanito MÁRQUEZ ainsi que quatorze autres vétérans de la musique cubaine… pour un enregistrement et un concert de présentation.

Ces pratiques n'enlèvent évidemment rien à la valeur des artistes, ni aux produits réalisés mais elles ont deux conséquences : Elles font croire que ces musiciens étaient oubliés, délaissés, que leur musique est d'un autre temps et qu'il s'agit d'une véritable re-découverte, ce qui en général n'est pas exact.
D'autre part, l'âge respectable de ces musiciens ne les autorise pas toujours à se donner pleinement lors des concerts, voire à en être absents, ce qui produit parfois une certaine déception chez un public attiré par une affiche alléchante.


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