RODRÍGUEZ, Alfredo (La Havane 1936-Paris 2005)

C’est dans le quartier du Vedado à La Havane que naît Alfredo qui apprend tout d’abord le piano avec sa mère puis suit des études classiques de musique au Conservatoire Eduardo Peyrellade de la capitale. Il étudie sérieusement  avec  Juan Jauma qui le trouve particulièrement doué. Mais c’est en chantant et en s’accompagnant aux claves qu’ Alfredo se présente et remporte plusieurs concours sur la station radiophonique CMQ.

 

Photographie Miké Charropin.

Alfredo fréquente les concerts du Teatro Roldán. Il arrête les études classiques vers seize ans et son ami "Pepecito" REYES l’emmène dans les bars et cabarets et découvre des musiciens dont la musique offre certaines saveurs du jazz. Il entend le pianiste « Peruchín » et c’est une révélation.
Alfredo
suit « Peruchín » partout où il joue dans la capitale et tous deux se lient d’amitiés malgré la différence de génération. Le jazz s’empare de lui. Il veut se perfectionner, côtoyer les grands jazzmen américains…  En 1960 il trouve le prétexte d’aller étudier les relations publiques à New York et parvient à se faire embaucher par une imprimerie pour pouvoir subsister. La vie est dure dans la Big Apple et  dans un premier temps la musique doit passer au second plan. Alfredo a des difficultés à concilier sa passion et le travail mais au bout de quelques années il acquiert le rythme de vie américain et reprend des études de solfège et d’harmonie à la Henry Settlement School of Music.

Remise du diplôme bac. La Havane 1954. Photographie Collection M. Charropin.



A New York en 1966 accompagnant le chanteur Hector Fernando
lors d'un programme radiophonique.

Photographie Collection M. Charropin
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En 1963 il rencontre Arsenio RODRÍGUEZ. De cette rencontre émerge un second souffle et il étudie alors avec les pianistes Roland Hanna, Albert Dailey. Il écoute  Bill Evans dans les clubs, des liens se tissent et Bill donne quelques cours à Alfredo. Il ne consacre plus que deux jours par semaine  à l’entreprise et rejoint à cette époque l’orchestre de Belisario LÓPEZ, installé à New York depuis 1959. Il joue près de deux années avec la charanga de Belisario et en  1966 il rejoint le « Conjunto Sensación » et enregistre le disque « Swing » puis, alors que le groupe se dissout et que les musiciens rejoignent Johnny Pacheco, c’est vers le chanteur Vicentico VALDÉS que se dirige Alfredo RODRÍGUEZ.

 


Avec le Conjunto Sensación

 

En 1968 il commence à travailler avec le percussionniste Willie Rosario avec qui il reste plusieurs mois durant lesquels il participe à quatre enregistrements de Willie. Il travaille aussi cette année-là  avec Joe Cuba.

 

Alfredo obtient un contrat à Las Vegas au Caesar Palace. Il y joue avec son propre cuarteto mais au bout de quelques mois, en 1970, il retourne chez Joe Cuba  et reste avec lui jusqu’en 1973, participant  à plusieurs enregistrements comprenant quelques-unes de ses propres compositions. En 1971 il propose, pour ce qui sera le disque « Recuerdos de mi querido Barrio », les thèmes « El tabacón », « Guaguancó de los Barrios » et « Dulce como la miel ». L’année suivante il est au piano pour « Busting Out» et avant de quitter Joe Cuba participe  à « Hecho y Derecho », contribuant à la composition du thème du même nom. Parallèlement il répond en 1972 à l’appel du chanteur Justo BETANCOURT, qui réunit plusieurs musiciens pour enregistrer « Pa bravo Yo ». Ils se lient d’amitié et dix ans plus tard récidiveront avec « Leguyela No ».

Alfredo, second à partir de la droite avec son quartet en 1969 à New York.
Photographie Collection M. Charropin
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Alfredo décide de rejoindre Miami embauché pour le show du Centro Gallego avec plusieurs vedettes cubaines telles que Rolando LASERIE, Vicentico VALDÉS, Orlando CONTRERAS ou encore la jeune portoricaine Lucecita Benítez … Il alterne ce travail avec d’autres jobs annexes en compagnie du conguero Carlos « Patato »  VALDÉS puis quelques mois  plus tard, toujours à Miami,  il est engagé dans le quinteto du flûtiste José FAJARDO qui, pour les tournées, se transforme en charanga dont il est aussi le pianiste. Avec FAJARDO il enregistre en 1975 pour « Fajardo y sus Estrellas del 75 » et l’année suivante « La Raíz de la Charanga ».

Alfredo, troisième à partir de la gauche avec l'orchestre de Fajardo. Venezuela 1977.
Collection Pacha Jr
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Alfredo RODRÍGUEZ rentre à New York en 1976 où il rencontre par hasard le conguero Carlos « Patato » VALDÉS qui lui propose un enregistrement improvisé avec d’autres musiciens cubains installés dans la Big Apple : Julio COLLAZO, Orestes VILATO, Mario « Papaito » MUÑOZ... « Ready for Freddy » comporte le thème phare « La Ambulancia ».
Une riche prériode de six annés s’ouvre : Alfredo intègre la « Charanga 76 » au sein de laquelle il impose rapidement son style personnel. Il enregistre plusieurs albums avec la formation avec laquelle, pendant deux ans, il participe à des tournées internationales

En même temps, Alfredo multiplie les enregistrements avec différents groupes : José Mangual Jr. « Tributo a Chano Pozo » en 1977 ; la « Orchesta Novel » « Salud, dinero y amor » en 1978. Il continue sur sa lancée avec Alfredo de La FE « Para Africa con amor » et Pupi LEGARETTA l’année suivante.  En 1980  c’est successivement avec le chanteur  Daniel Santos puis  la « Charanga La Reina » qu’il enregistre.  La même année, Camilo Azuquita l’appelle pour une tournée européenne. De retour à New-York, il enregistre avec Sergio Rivera « El haitiano » en 1981  ainsi que  « Zamidou » avec Amadou Balaké. Alfredo triomphe alors avec son thème « Whisky y Coca-Cola ».


Cette décennie qui commence le voit travailler avec  de nombreux orchestres  ou accompagner de nombreuses voix.  Ainsi Alfredo est sollicité pour jouer avec « La Novel », Rafael Cortijo, Ismael Rivera, La LUPE, Celia CRUZ etc... Il part en tournée à travers les Etats Unis avec le « Latin Percussion Jazz Ensemble » de Tito Puente, remplaçant son ami Jorge Dalto.
En 1981, il enchaîne les enregistrements  avec Lita BRANDA et Linda Leida; en 1982 avec Mario « Papaito »MUÑOZ , le trompettiste « Chocolate » ARMENTEROS et participe, en tant que pianiste, directeur musical et arrangeur à l’album d’Armando Sánchez y su Conjunto Son de La  Loma.
Vers la fin de l’année 1982, le flûtiste Artie Web qui a formé un groupe pour une tournée en France, l’engage afin de remplacer le pianiste colombien Eddy Martínez qui ne peut se déplacer. Ils rejoignent « Patato », resté à Paris à la suite d’une tournée en Europe avec Tito Puente. Après la tournée, Alfredo prolonge quelques temps son séjour à Paris avec « Patato . Ils font  les nuits chaudes  de la Chapelle des Lombards. Au début de 1983, il rentre à New-York mais conquis par la capitale française il revient à Paris quelques mois plus tard réalisant son rêve d’enfant de « vivir en Paris ». Il décide de former son propre groupe, tout en alternant de brefs séjours aux U.S.A. pour enregistrer. C’est ainsi que son premier L.P. personnel « Sonido Solido - Para Africa traigo mi son »  pour lequel il compte sur « Patato », « Totico », Andy González, Mario Rivera, Frankie Malabé… voit le jour à New-York cette même année, suivi d’un album avec le trompettiste Victor Paz en 1984, puis, toujours à New-York, il enregistre son deuxième L.P. « Mr Oh La-La » en 1985 avec parmi les titres « Le Boule Boulevard ».
En 1986, Alfredo RODRÍGUEZ invite le chanteur «  Papaíto » dans son groupe pour deux concerts à Paris. Il renouvelle l’invitation en 1987 pour un concert à Paris suivi d’une tournée. En 1989, il fait de même avec son vieil ami FAJARDO.

 

Alfredo et Papaito Tournée 1986. Photographie Collection M. Charropin.


En novembre 1989 il retrouve « Patato » qu’une rumeur disait très malade et même décédé et le fait venir en France pendant trois mois pour jouer avec son groupe. Au début de 1990 il enregistre avec lui, en Suisse, son troisième album personnel : « Alfredo Rodriguez Cuba-New-York-Paris, Absolutely Live  Guest "Patato" Valdés ». Alfredo fait venir également, pour participer aux tournées, son ami le timbalero colombien Roberto Pla qui réside à Londres et l’invite à son tour.

Avec Patato lors de la tournée 1991. Photographie Collection M. Charropin.

En 1992, Alfredo fait venir de Cuba, « Peruchin Jr » et « Tata » GÜINES pour un concert au New-Morning à Paris. En 1993, il enregistre à Paris son quatrième album « Para Yoya », en hommage à Yoya, reina de la Tumba Francesa de Santiago de Cuba.
En 1994, Alfredo RODRÍGUEZ est le centre de deux événements de la scène parisienne : en mars, un concert exceptionnel au New-Morning où il réunit  son orchestre avec une comparsa de Carnaval venue de Santiago de Cuba. Puis toujours au New-Morning il se produit en  décembre aux côtés de Carlos « Patato » VALDÉS et « Tata » GÜINES qui ne se sont pas vus depuis plus de trente ans, des percussionnistes Miguel « Anga » DÍAZ et Orlando Poleo et du trompettiste Jesús ALEMAÑY pour une descarga. Ces concerts vont donner l'idée à Joe Boyd de réaliser un enregistrement qui aboutira à la naissance de « CUBANISMO ». En fin d’année il part à Miami invité par le percussionniste Giovani Hidalgo pour deux Cuban Jam Sessions.
Profondément attaché à ses racines, Alfredo, voyage régulièrement dans son île natale. En 1995, il est invité à La Havane par le trompettiste Jesús ALEMAÑY, pour participer à l'enregistrement de « Cubanismo ». Il est présent ensuite sur le second album de Jesús « Malembe » et pour la tournée américaine du groupe.

Affiche des concerts au New Morning. Photographie Collection M. Charropin

Et c’est à Cuba qu’il réalise en 1996 son cinquième album « Cuba Linda » qui marque un nouveau moment clé de la carrière d’Alfredo RODRÍGUEZ. Il s’entoure pour donner toute la cubanité qu’il souhaite à cet enregistrement de grandes figures cubaines de l’île comme « Tata » GÜINES mais aussi de musiciens de la calle, de rumberos tels « Goyo » HERNÁNDEZ et  Luis Mariano « Nene » GARBEY, voix ;  « Tata », Lazarito GONZÁLEZ, violon …
Pendant la période qui vient de s’écouler, de 1984 à 1996 Alfredo multiplie concerts et tournées européennes avec son groupe : Festivals de Montreux, Printemps de Bourges, Jazz à Vienne, Jazz sous les Pommiers à Coutances, Jazz à Oléron, Jazz en Franche Comté, Festival de Samois, Biennale de Lyon, Tourcoing, Genève, Open Tropen … « Cuba Linda » relance les tournées qui de 1997 à 2000 vont  entraîner Alfredo à travers la France, l’Italie, la Suisse, la Belgique… pour les festivals de La Villette, Vic-Fezensac, Mèze, Toulon, St Nazaire, Plouenour-Trez, Marciac, San Remo, Fano, Florence, le Gurten Jazz Festival, Genève; le Cactus Festival et le Jazztronout en Belgique. Alfredo franchit même l’Atlantique pour se présenter avec ses partenaires au Spoleto Jazz Festival de Charleston où il dirige des masters class sur la musique afro-cubaine, activité qu’il  pratique régulièrement en France.


En 1998, son management Rythme et Couleur est chargé d’organiser une série de concerts consacrée aux différentes musiques de Cuba à la Cité de La Musique de Paris avec plus de quatre-vingt musiciens venus de Cuba, suivie pour certains d’entre eux d’une tournée en Grèce ;  c’est dans ce contexte, et à la demande d’Alfredo,  que Rythme et Couleur invite le pianiste « Pepecito » REYES, avec qui il donnera en Grèce un concert à quatre mains et deux pianos.

Alfredo et Pepecito Reyes, 1998.

Tournée Cuba Linda 1998 avec "Tata" Güines.
Photographies Collection M. Charropin.

Au début de l’année 2000, il rejoint « Patato » en Allemagne pour enregistrer l’album de celui-ci « Único y Diferente ». En 2001 le tromboniste cubain Juan Pablo TORRES le fait venir à Miami pour participer au projet  « The Cuban Masters – The Originals »  avec un concert unique au Palais des Congrès de Miami. Sur scène : deux pianos ; un pour Alfredo VALDÉS, l’autre pour Alfredo RODRÍGUEZ. Il enregistre  avec les musiciens du projet.
Au milieu de l’année Alfredo, qui a rebaptisé son groupe « Alfredo RODRÍGUEZ y LOS ACEREKÓ » effectue une longue tournée européenne. Il fait venir de Cuba « Tata » GUÏNES, le chanteur Bobby CARCASSES et le timbalero José Luis  « Changuito »  QUINTANA et compte également sur le jeune chanteur et conguero Joel HIERREZUELO. La tournée s’achève par un enregistrement de neuf  titres « Alfredo Rodríguez y Los Acerekó ».


Alfredo et Los Acereko. 2001.


En 2002, il est engagé à titre personnel dans la comédie musicale de Jérôme Savary Looking for Chano.
L’année suivante « Alfredo RODRÍGUEZ y LOS ACEREKÓ » participe au Festival Barranquijazz  et donne deux concerts à Bogota et Puerto Colombia. Il récidive au Barranquijazz en 2004 et devant l’absence de possibilité d’accès à la musique pour les jeunes défavorisés de Barranquilla prépare un projet pour créer dans la ville une école de musique dans l’esprit de celle de la Fondation Gentil Montana de Bogota.

En janvier 2005, Alfredo est invité à Istanbul pour accompagner la célèbre chanteuse turque Sertab Erener, pour la Première du film Quand la chance frappe à ta porte tourné à Cuba et dont il a participé à la musique du film. En mai il donne un concert avec ses Acerekó dans une arène de Séville. Son dernier concert a lieu début août à Contis-Plage et deux mois plus tard Alfredo RODRÍGUEZ s’éteint à Paris

© Patrick Dalmace

Discographie sélectionnée:
* « Sonido Solido » E.U., 1983, Top Ten Hits Records156.
* « Alfredo Rodríguez Cuba-New-York-Paris, Absolutely Live », Live Suisse et Hollande 1991  Bleu Caraïbe 82812-2.
* « Alfredo Rodríguez. Monsieur Oh La La », New-York 1986,  Caiman Records 9014.
* « Para Yoya…»  Paris 1993. Bleu Caraïbe 82875-2.
* « Cuba Linda »,  La Havane 1996, Rycodisk 1399.
* « Alfredo Rodríguez y Los Acerekó. Cuban jazz », Pernes Les Fontaines 2002 , Naxos World 76046-2.
* « Alfredo Rodríguez. Live -  Oye afra »  Compilation, O+ Music 119.
* In « Carlos  Patato Valdés.  Ready For Freddy », New York 1977, LP Music Group104CD.
* In « Jesús Alemany. Cubanismo feat. A. Rodríguez », La Havane 1995,  Rykodisc HNCD 1390.
* In « Cubanismo. Malembe », La Havane 1996, Rykodisc HNCD 1411.
* In « Son de la Loma Regalo del Ciego feat . A. Rodríguez and A. Sánchez », Breme 1997. Rykolatino 1002.
* In « Irazu la fiesta del timbalero  feat. A. Chocolate Armenteros, A. Rodríguez, Amadito  Valdés, Lou Donaldson » , Allemagne 1998  Bellaphon 45039.
* In « Franklin Veloz. A bailar la Rumba feat. A. Rodríguez », 1998 Shark Low TB1CD26.
* In « Patato Valdés, Único y Diferente », Frankfurt 2000, Connector 15853-2.
* In « The Cuban Masters – The Originals », Miami 2001, Pimienta Records n°176 160 509-2.
* In « Mangual Jr. Tributo a Chano Pozo », Colombia 2002, YoyoMusic 16010.


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