HERNÁNDEZ, Gregorio dit "El Goyo" (La Havane 1936-2012)

Bien qu'il soit né dans la province de Pinar del Río, ses parents Isidoro HERNÁNDEZ et Inocencia RÍOS déclarent sa naissance à La Havane où ils passent de solares en solares jusqu'à vivre dans le reparto El Moro, un quartier de la périphérie de la capitale.

Ce quartier est très pauvre et très dangereux. Ses parents, bons danseurs, renoncent aux fêtes en entrant dans les quartiers mal famés où ils vivent mais la mère, qui joue un peu du tres, aime chanter et se plait à faire des duos avec Gregorio bientôt surnommé «EL GOYO».

Le quartier est de ceux où à longueur de journée et de nuit résonne le tambour. Et les percussions sont pour les jeunes le seul moyen de se divertir. «GOYO» entre dans ce jeu –seule pratique sociale accessible- apprenant à jouer, à chanter, à danser dans les conditions les plus rudimentaires qui soient. Il se forme aux pratiques Yoruba et Abakuá et devient un excellent rumbero .

Tout petit il suit son père lui servant de pregonero. Comme la plupart des jeunes du quartier il n'a pas de travail et cherche à survivre en lavant des voitures, cirant des chaussures, ramassant sur les décharges ce qui peut se revendre . Il continue à danser et chanter dans différentes formations des barrios: "MAMBO CHAMBO", "Los PRINCIPALES", "El SICAMARIÉ"... Et l'intérêt pour la culture afrocubaine le conduit à étudier, à se documenter auprès des plus anciens. Il apprend en écoutant Carlos EGUI, ou encore les voix des chanteurs des "MUÑEQUITOS de MATANZAS": Juan BOSCO, SALDIGUERRA ou VIRULILLA, en imitant "Chavalonga".... mais c'est Tío TOM qui l'influence définitivement.
La Révolution bouleverse la vie du quartier et celle de «GOYO ».
Au début des années soixante il intègre quelques mois le groupe « TERCIOS MODERNOS ».

Alors qu'il se trouve dans une rumba dans le quartier de Atarés il est remarqué par José CASTILLO qui l'incite à se présenter à un concours de recrutement pour former le « CONJUNTO FOLKLÓRICO NACIONAL » crée par le pouvoir révolutionnaire dans son programme de préservation des traditions et de la culture. En 1962 il se présente au concours qui doit recruter des spécialistes. Il est admis comme danseur avec une cinquantaine d'autres danseurs, chanteurs, musiciens parmi des centaines de prétendants et devient ainsi un des membres fondateurs de la formation historique cubaine.
«GOYO » sera l'interprète soliste de «Oggún» et «Odebbi el Cazador ». Ses rôles s'étendent aussi à l'interprétation du folklore Arará. Il danse et chante aussi la rumba ainsi que des pregones.

"GOYO" participe en 1963 au disque du « CONJUNTO FOLKLÓRICO NACIONAL ». Il récidivera en 1975 pour celui du "Ciclo Yoruba".

En 1964 le cinéaste cubain Rogelio Paris filme plusieurs groupes musicaux pour maintenir vivante la mémoire musicale de l'île. "GOYO" participe comme danseur au tournage de Nosotros la música avec le « CONJUNTO FOLKLÓRICO NACIONAL ».
«GOYO » HERNÁNDEZ, au fil des années prend des responsabilités au sein du groupe comme la direction de « Alafín de Oyo » et devient professeur de danse Abakuá.


Goyo Hernández et le Conjunto Folklórico Nacional. Photographie Archives G.H.

Avec le groupe "GOYO" se présente dans toute l'île et en Amérique Latine. Il obtient une distinction au festival de Arequipa en 1974. Il parcourt également l' Europe et l'Afrique. En 1980 il accompagne le groupe aux Etats Unis.

Il écrit pour le conjunto une oeuvre difficile, "Baroko", qui obtient un grand succès.


En 1985 il collabore avec le groupe folklorique de l'Université et en même temps devient enseignant à la Escuela Nacional de Arte. Après avoir quitté le «CONJUNTO FOLKLÓRICO NACIONAL » il continue ses activités d'enseignant et est invité à travailler à l' Instituto Superior de Arte en 1989, accédant rapidement au titre de professeur titulaire adjoint.
Il a alors l'opportunité de faire travailler des spécialistes étrangers qui, à leur tour, l'invitent à venir encadrer des stages de danse, percussions, chants. Ainsi il commence, dès 1991 à travailler en Belgique, en Italie au centre de percussions crée par Roberto Evangelisti, aux Etats Unis…


Lors de ces stages sa renommée croît et il dispense rapidement ses cours aux Pays Bas, en France, devenant en 1994 une des pièces clés du Festival Bleu Caraïbes de Royan. Il s'incorpore comme chanteur au groupe "Cubana Jazz Connection " pour clore la première édition du festival.

Cours de danse par Goyo. Royan 1994.


Cubana Jazz Connection. Royan 1994.
Photographie Collection P. Dalmace


Tout en poursuivant ses stages dans d'autres pays il poursuit sa collaboration avec le Festival Bleu Caraïbe , dispensant les cours de chant, percussions, rumba, donnant des conférences et intégrant plusieurs formations se produisant dans le cadre de Bleu Caraïbes. "GOYOcollabore à l'événement jusqu'en 1997.


Son activité comme enseignant est incessante. En Italie, à Rome, en 1993 et 1994, il donne en marge de ses cours deux cycles de conférences sur la culture populaire traditionnelle cubaine. En 1996 il complète ses activités à l'Université de Bologne, créant le spectacle Suoni dal Mondo, tout en travaillant pour la Scuola Popolare di Música di Testaccio où il organise une conférence-spectacle sur les cultures Arará, Congo, Abakuá. Cette année-là il rencontre à Rome "Patato" VALDÉS. "GOYO" poursuit ses stages en Belgique jusqu'en 2005 et il enseigne de nouveau en France, à Valence, de 2001 à 2003.


Tournai. Cours de "Goyo" 1997.

Goyo, 1997. Photographie Collection P. Dalmace.


A Cuba ses activités se poursuivent. Il fonde en 1995 son propre groupe "OBÁ ILÚ" - "Roi du Tambour"- en hommage à l'un des fondateurs du «CONJUNTO FOLKLÓRICO NACIONAL» Jesús PÉREZ , dont c'était le nom de religion. Le groupe propose différents cycles de chants, percussions, danses Yoruba, Bantú, Arará, Abakuá. Il a aussi à son répertoire le complexe de la Rumba. «GOYO » HERNÁNDEZ enregistre cette même année avec de grands rumberos "Rapsodia Rumbera". Il dirige les choeurs et chante sur deux thèmes: "Mayeya" et "Guaguancó callejero".

Goyo. Guaguancó Callejero. ...... ...

Goyo au milieu de ses musiciens de Obá Ilú.

Cet enregistrement marque le début de collaborations importantes. L'année suivante avec Alfredo RODRÍGUEZ il enregistre "Cuba Linda" puis avec "Tata" GÜINES pour "Aniversario".
"OBÁ ILÚ"
" déploie une intense activité au long de son existence se produisant au Café Cantante du Teatro Nacional, à l'Hôtel Inglaterra, dans de nombreux Cercles Sociaux, Casas de Cultura et notamment celle du barrio Plaza, dans les peñas rumberas, au Hurón Azul, dans diverses villes de provinces mais aussi à l'étranger au Canada et aux Etats Unis. "OBA ILÚ" n'hésite jamais à retourner à la rue pour rester près des racines de la musique
et enregistre en 1997 "Santería" avec les thèmes classiques du chant afrocubain: "Yemaya", "Ochún", Chango", "Ochosi"....
Autour de "GOYO" on trouve l'historique Mario JAUREGUI; Pedro Pablo MARTÍNEZ et Máximo DUQUESNE, percussions; les vocalistes Marta GALARRAGA, Lázaro RIZO, Lázaro HERNÁNDEZ, Rogelio GATEL et Ricardo "Santa Cruz" GÓMEZ.


La flûtiste canadienne Jane Bunnett le sollicite en 1997 pour son projet "Spirits of Havana ". Il enregistre avec le groupe de Jane à La Havane et participe à la tournée promotionnelle aux Etats Unis.


Jane Bunnett avec Goyo, Hilario Duran et Naldo Hernández.

 

 

En 1999 "GOYO" écrit un spectacle avec pour thème la Rumba. Il se rend à New York pour le montage et les premières représentations auxquelles participent une sélection de prestigieux rumberos cubains.

 

Goyo, à gauche, avec les rumberos du spectacle Román Díaz, Maximino Duquesne, Pedrito Martínez, Miguel Chapottín, X., Juan de Díos "El Colo" Ramos.

 

La même année il met sa voix sur un thème enregistré par le "AFROCUBAN ALL STARS " , "Warariansa", un chant abakuá. Pour l'occasion il dirige aussi le choeur formé par le groupe "RAÍCES PROFUNDAS". En 2000 "GOYO" enregistre un disque qui se veut être un témoignage défintif sur la Rumba en ce qu'elle a de plus authentique. "La Rumba es Cubana. su Historia". Pour ce travail il s'entoure de noms incontournables de la Rumba: "Aspirina", "Chavalonga", Miguel CHAPOTTÍN ... pour les parties vocales et d'une vingtaine de grands percussionnistes.

Il participe en 2003 au disque de Ibrahim FERRER, "Buenos Hermanos" ainsi qu'à celui de Manuel GALBÁN, "Mambo Sinuendo".

Au cours des années suivantes "GOYO" se consacre essentiellement à l'enseignement -percusions et danse-. Il assiste quelques musiciens qui veulent créer leur propre groupe. En 2007 il est invité à Matanzas pour la session spéciale que la Feria dédie aux rumberos. Il y retrouve notamment "Tata" GÜINES et "Changuito".
L'année suivante «GOYO » HERNÁNDEZ donne deux conférences intitulées “De las Raíces a la Síntesis” à l'Instituto Cubano de Anthropología et à Pinar del Río et une à Cienfuegos sur l'histoire del Rumba et reçoit un Prix d'Honeur lors du Cubadisco'08. Il écrit les notes du livret du disque des "MUÑEQUITOS de MATANZAS" , "De palo pa' rumba" qui lui valent en 2009 une nomination pour le Cubadisco.
A l'ouverture du Palacio de la Rumba à La Havane , "GOYO" en devient un invité fréquent des groupes rumberos qui s'y produisent. En août 2010 il est invité à la cloture la saison du Palacio lors d'un concert rassemblant sept grandes formations rumberas.
« GOYO » poursuit au long de l’année 2011 ses collaborations avec les grands groupes rumberos et devient une figure incontournable du Palacio de la Rumba de La Havane.  En mars avec son  groupe « OBÁ ILÚ » il participe à la Fiesta del Tambor .  Il est invité comme professeur à Barcelone pour le Festival Internacional de Guaguancó en juillet. Il prononce une conférence sur l’influence de la musique Abakuà dans la rumba et dans la musique populaire cubaine.

Goyo et l'influence de la musique Abakuà dans la rumba. ;;; ;;;
 

Il est invité à rejoindre sur scène le groupe « HAVANA d’PRIMERA » qui se produit à la sala Bikini. En août « GOYO » prononce une série de conférences sur la rumba à la Casa de África dans le cadre du Festival Internacional de la Rumba. Timbalaye 2011.


2011. Goyo et Havana d'Primera. Sala Bikini. Barcelone.


Brutalement à la fin de décembre Gregorio « El Goyo » HERNÁNDEZ est victime d’une attaque cérébrale. Il décède quelques jours plus tard. Sa disparition provoque un choc dans le monde de la musique et de la rumba au-delà des frontières de l’île et une perte inestimable tant ses connaissances théoriques et vécues de la rumba étaient fondamentales. Le Palacio de la Rumba reçoit sa dépouille pour un dernier hommage des havaneros.

© Patrick Dalmace

Discographie sélectionnée:
* " Rapsodia Rumbera", L.H. 1995, Egrem 121.
* " Santeria. Songs for the Orishas", L.H. 1997, Soul Jazz Records 038.
* " Jane Bunnett. Spirits of Havana II", 1997, Chamalo Go.
* " La Rumba es Cubana.Su historia", L.H. 2000, Unicornio 6004.
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