La Trova Espirituana

Dès la fondation de la ville au XVI° siècle et au cours des siècles suivants, Sancti Spíritus a développé sa propre personnalité festive et musicale. Les "fotutos", comparsas spécifiques de la région sortaient accompagnées de tous les instruments disponibles. Le "fandango" et particulièrement celui de la nuit de Noël était également caractéristique de la région.
Dès le milieu du XIX siècle, à Sancti Spíritus et dans la région, jusqu'à Trinidad, les cantantes, tout comme à Santiago de Cuba ou La Havane, armés de leur guitare, déambulent dans les rues, se réunissent sur les places ou au Parque Maceo, donnent des sérénades. Parmi les premiers cantantes, figure Sebastián CUERVO vraisemblablement le premier auteur de la Trova de Sancti Spíritus. Il compose en 1884 "Mis quejas". Hilario ERICE, matancero établi à Sancti Spíritus impulse lui aussi la vie musicale de la ville, tout comme Alonso MAYEA, créateur en 1896 de "¿Quién fuera sol ?".


A la même époque "Chano" DÍAZ est quant à lui un des musiciens populaires les plus actifs de Trinidad où durant le dernier quart de siècle apparaissent des Tonadas originales qui vont contribuer à façonner la particularité musicale de cette ville.La plupart de ces cantantes, dans les toutes dernières années du siècle, se mêlent aux Coros de Clave qui sous l'impulsion de Juan de Dios ECHEMENDIA apparaissent dans Sancti Spíritus. Ils sont aussi sous l'influence de ces fêtes populaires, typiques de la région.

Ainsi lors de l'ultime décade du XIX° siècle ces cantantes, développent un style particulier, propre à la région. La canción prend une tournure locale. Les boleros que composent en 2/4 les spirituanos portent une marque spécifique. Après un prélude vient une première strophe répétée après un interlude. A la suite de cette répétition s'enchaînent une nouvelle fois l'interlude, la première puis seconde strophe. Enfin le bolero se termine par un final. L'histoire donnera à ce développement originale de la chanson de cette région le nom de Trova Espirituana.
Le début du XX° est pour la Trova Espirituana un moment important de création et surgissent de bons compositeurs et d'excellents interprètes qui contribuent à asseoir les caractéristiques d'un mouvement qui maintient sa personalitéjusqu'à nos jours.

Juan de Dios Echemendia.

La sérénade reste un temps fort pour l'expression du mouvement et dans ce cadre quelques originalités se font jour avec l'apparition pour l'accompagnement de violonistes et autres instrumentistes parmi lesquels le saxophoniste Juan PEÑONES. Celui-ci aura un successeur au cours des années cinquante en la personne de José ZERQUERA.
Miguel COMPANIONI dès les toutes premières années du XX° siècle se distingue par ses compositions et accompagnements à la guitare. Il est l'auteur de nombreux boleros historiques : "Mujer perjura", "Herminia", "La lira rota"… Sigismundo ACOSTA (1894-1980) est l'un des premiers à chanter ses thèmes au sein de leur trio formé en 1910 et complété par Luis FARIAS. Eugenio "Tintino" MARÍN, compagnon de bohême de Miguel, membre de divers duos et trios, reste dans l'histoire comme le compositeur de "Ya es tarde", "El erial"
Le second grand animateur de la Trova Espirituana est Rafael "Teofilito" GÓMEZ. A peine plus jeune que COMPANIONI, il a de solides connaissances musicales et son activité est débordante. Il organise divers duos et trios tout au long de sa carrière. Le premier, "Los TEOFILITOS", il le fonde avec ses frères Misael, première voix et Bernardo, fausset, au cours de la seconde décennie du siècle. Augusto PONTE sera également un des partenaires de duo de "Teofilito".
Compositeur remarquable, "Teofilito" laisse entre autres canciones, "Pensamiento", "Si volvieras a mi", "Solo por tí"
Alfredo VARONA (1896-1971) est lui aussi sensibilisé très jeune à la musique et étudie le solfège, la guitare, le piano et, parallèlement à son métier de charpentier, assume différentes fonctions dans les Coros et la Banda Municipal. Trovador, il est l'auteur du bolero "Ocilia" et de la canción "La penúltima" et ses duos avec Ismael RAMOS et Manuel PUIG ont marqué la vie musicale de Sancti Spíritus dès la fin des années dix.

A Trinidad, l'autodidacte Lorenzo GUERRERO (1890-1970) peut être considéré en ce début de siècle comme le chef de file des cantantes.
Il va entraîner derrière lui de nombreux jeunes, Rafael POMARES de la ROSA (1906-1979) et celui qui va devenir l'une des grandes figures de la Trova Trinitaria Rafael SAROZA (1901 -1942) . GUERRERO forme dès les années dix un trio avec ses deux émules qui s'associeront dans les années vingt dans un autre duo. Alejandro BEQUER (1909-1973) fut également un des grands bohème des rues de Trinidad.

 

Rafael Saroza.

Derrière les pionniers de la Trova à Sancti Spíritus, émerge toute une génération qui se nourrit de leurs enseignements. Alfredo "Cachito" ORDAZ (1905-1983), guitariste ; Hector BORGES (1909-1999), chanteur et percussionniste ; Andrés BORROTO(1909-1972), guitariste et chanteur qui eut le privilège de pouvoir enregistrer ; Manuel GALLO (1909-1970), guitariste et compositeur de "Nenúfar", "Metamorfosis" ; Honorio MUÑOZ (1910-1977) compositeur et co-auteur avec GALLO de nombreuses chansons dont la plus célèbre reste "Nostalgia".

 

Manuel Gallo.

Juan Rafael RODRÍGUEZ (1910-1999) est lui aussi une figure historique de la Trova Espirituana des années trente. Formé par VARONA et "Teofilito", il compose, chante et s'accompagne à la guitare. Son duo avec Manuel PUIG reste mémorable ainsi que certaines de ses compositions, "Clara", "Error", "Invierno y Primavera".

Invierno y Primavera

Sigue tú por tu senda de quimeras
que yo voy por mi senda de verdades
Tú gozando tu alegre primavera,
yo sufriendo los rigores del invierno.
De tí ya nada espera el corazón.
Bien sabes que en lo hondo de mi pecho
un trono levanté y allí reinaste.
Nunca me imaginé que así pagaras,
el tierno idilio que soño mi alma
de aquel inmenso amor no quedó nada.
Mucho lo siento, lo mataste tú

La période des années trente et quarante est florissante à Sancti Spíritus. Les trovadores sont nombreux, les peñas où ils donnent à connaître leurs créations également et la qualité est une constante.
Les contacts sont plus nombreux avec le reste du pays et les autres centres trovadorescos. Les cantantes spirituanos prennent toute leur part dans le mouvement qualifié de Trova intermédiaire par les historiens.
Ce sont pour les duos et trios de trovadores des années fastes.
Le "Duo La MADRUGADA" fondé par Sigifredo MORA (1911-1981) en 1934 a vu passer dans ses rangs les voix et guitares de Manuel NÁPOLES (1929); Andrés BORROTO (1909-1972) ; Fernando CASTILLO (1921) -"¡Oh, guitarra !"- ; "Tito" FERNÁNDEZ (1918)Enrique LASTAYO (1920-1973), possesseur d'une voix caractéristique, s'est quant à lui spécialisé dans la chanson amoureuse. Son succès le conduit dans la capitale. Il a fait partie durant une période de "La MADRUGADA" devenu Trio. Le trio laisse sur le vinyle deux titres le bolero "Desde que te perdí" et la tonada espirituana "Aires yayaberos" .

Le "Duo MIRAFLORES", fondé juste dix ans plus tard par Evelio LÓPEZ (1925-1989), doté d'une voix au timbre spécifique qui permet au duo de se démarquer des autres formations. Evelio est dans une première étape accompagné de Orlando MARÍN (1928), guitariste et seconde voix. Le répertoire est celui de Miguel COMPANIONI. Le duo se maintient jusqu'en 1964 date à laquelle MARÍN rejoint le "Trio PENSAMIENTO" et est remplacé par José CARDOSO (1920) formé par Juan Rafael RODRÍGUEZ. CARDOSO possède une immense expérience acquise dans d'autres duos ou trios avec tous les principaux trovadores spirituanos.
En 1972, NÁPOLES entre au sein du "MIRAFLORES" qui devient un trio dont l'activité se poursuit toujours aujourd'hui avec de nouveaux noms, Pablo RODRÍGUEZ, Roberto SOTOLONGO (1947), Edelberto RODRÍGUEZ (1948)

 

Le duo Miraflores.

Evelio RODRÍGUEZ (1921) , dès la fin des années quarante, se distingue comme l'un des plus importants animateurs de la vie musicale de la ville. Les clubs La Sierra, Los Tres Ases, La Pampa…se disputent le "Duo ESPIRITUANO" qu'il forme avec Ramón HUERTA. Le duo enregistre dès la fin des années quarante. Evelio remporte également un grand succès sur les ondes y compris à La Havane. Il collabore également avec Ñico SAQUITO et au cours des années cinquante formera son propre conjunto.

Au cours des années quarante apparaissent également les trios "Hermanos MORGADO", "Hermanos SAUCEDO", "RIVADAVIA", "VALDIVIA"… puis au début de la décade suivante "Los CHAMACOS" et en 1953 le trio historique "PENSAMIENTO" formé de "Teofilito", de Miguelito COMPANIONI (1930-2004), seconde voix et de Aristides CASTAÑEDA (1925-1995), ténor. "PENSAMIENTO" a réalisé des tournées dans toute l'île et a longtemps été une formation incontournable des Festivals de la Trova.

 

Trio Pensamiento.

La période prérévolutionnaire et les première années soixante continuent d'être une période riche en trovadores parmi lesquels :Vidal BORREGO (1944) auteur de "Amor de media noche"; Juan CANCIO (1949) actif dès 1961, fondateur de son cuarteto, soliste, puis membre de "PENSAMIENTO" en 1978.

De cette génération font également partie Enrique CASTRO (1946), compositeur de "Lo que más he querido", "Anhelo postumo"...et chanteur, partenaire de Rafael RODRÍGUEZ ; Teresita DÍAZ (1941) et José GARCÍA (1942) fondateurs du duo "TERESITA y JOSÉ" ; Roberto JIMÉNEZ (1942), guitariste, membre de "Los CHAMACOS" puis fondateur en 1960 du trio "Los VILLA" ; César PÉREZ (1941-1992), guitariste et première voix; membre de formations connues, "Duo Hermanos POLANCO", "Trio MIRAFLORES", et compositeur notamment du bolero "Como el alba".

Trio Miraflores, "Si Volvieras". >>>>

Parmi les compositeurs, Vidal CABRERA (1944) occupe une place de choix pour des œuvres comme "Anita", enregistrée par "Compay Segundo", "Ayúdame", "Un son para Ramón", "Amigos del danzón"…
Plusieurs compositeurs et interprètes de la Trova Espirituana adhèrent entre les années soixante et soixante-dix au Mouvement de la Nueva Trova.

Le "Duo ESCAMBRAY" fondé en 1972 par les trinitéens Pedro GONZÁLEZ (1955) et José FERRER (1952) est de ceux qui rejoignent le mouvement dès sa création. Pedro Luis FERRER (1952) est l'un des fondateur du MNT. On lui doit notamment "Mariposa". Le joueur de laud Marcelo LAMAS (1943) est également l'un des fondateurs du Mouvement.

Bien que de nombreux trovadores spirituanos aient pris le chemin de l'exil, la tradition s'est maintenue dans les années soixante-dix et quatre-vingt pour retrouver une nouvelle floraison à la fin de cette décennie avec des noms comme ceux de Wilfredo BÉCQUER (1958), des frères José et Lázaro CARDOSO (1953 et 1956).

Le Duo Escambray.

De nouvelles formations sont nées autour de jeunes trovadores respectueux de la tradition de Sancti-Spíritus et capables de la rénover sans la trahir. Reinaldo MÉNDEZ (1958), guitariste, directeur du "Trio COLONIAL" fait partie de cette nouvelle génération de même que Lourdes CARO (1952), membre du duo "Las AMIGAS" mais aussi du groupe "YAYABO". Ses compositions, "Mi beso raro", "Tus ojos" sont incontournables dans les rencontres trovadorescas de la ville.

Le Trio Colonial

Trio Colonial, "Pienso en Ti" . >>>>

Les noms qui dans Sancti-Spiritus sont apparus dans le mouvement de la Trova Espirituana en fin de siècle sont ceux de Carlos Manuel BORROTO (1961), compositeur ; Luis ULLOA (1971), guitariste ; Delvis SARDUY COMPANIONI (1971), déjà habitué des Festivals de la Trova de Santiago, La Havane, Santa Clara…Parmi les groupes qui se distinguent dans l'animation musicale de la ville et de la province, il faut mentionner le "Duo MADRIGAL" de CANCIO et REYES formé en 1992. Le "Trio TAUPIER" actif de 1991 à 1998 a réalisé diverses tournées dans la Caraïbe. Le "Trio CUERDAS de ORO" lui a succédé avec un style proche de celui des trios mexicains. Le "Trio YAYABO" quant à lui est né en 1999. Formé de Eduardo MORGADO, première ou troisième voix ; José REINA, seconde voix et Rubén SOSA, guitariste et première voix, il occupe les ondes de la radio et de la télévision.
Nuestras Almas.
L'année précédente Leticia ULACIA et Rosa RODRÍGUEZ, accompagnées de Claudio MAURI à la guitare, organisent leur "Duo NUESTRAS ALMAS", destiné à perpétuer le répertoire de Rafael RODRÍGUEZ.

Au cours du temps de nombreuses femmes ont écrit leur page dans l'histoire de la Trova Espirituana.
María Luisa HERNÁNDEZ
(1916) débute comme clarina du "CORO SANTA ANA" et poursuit sa carrière sur les ondes, la télévision et les studios d'enregistrement de la Egrem.

Nélida POMARES
(1933) a quatre ans chante en public à Trinidad puis à quatorze ans commence une carrière dans la capitale après son passage sur le programme radiophonique Buscando Estrellas. Felo BERGAZA l'accompagne au piano lorsqu'elle se produit au Théâtre Fausto.
Ponctuellement elle chante dans le cuarteto de Facundo RIVERO. Prématurément Nélida rentre à Trinidad sans avoir pleinement développé ses possibilités.

© Patrick Dalmace

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Santiago de Cuba: La Trova.
 
 
La Havane rassemble les Cantantes.
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